Le tiers-investissement photovoltaïque : pourquoi les collectivités hésitent encore à équiper leurs établissements scolaires?
La question du financement de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires
Financer sans avancer l'argent : une solution qui peine à séduire
Les collectivités françaises ont une belle ambition pour la rénovation de leurs écoles. Selon le baromètre EduRénov 2025-2026, 88 % des collectivités considèrent la rénovation énergétique du bâti scolaire comme une priorité majeure de leur mandat. De plus, 84 % ont déjà engagé des projets ces cinq dernières années. Les chiffres de l'action sont là.
Mais derrière cette dynamique positive se cache une réalité financière bien plus compliquée. Le financement reste le besoin numéro 1 pour 73 % des collectivités. Et c'est précisément là qu'intervient une question rarement posée : pourquoi le tiers-investissement, pourtant adapté à ces enjeux, reste-t-il marginal dans les stratégies de financement des collectivités ?
Les chiffres révélateurs des habitudes de financement
Le baromètre EduRénov nous offre une photographie éloquente des pratiques actuelles. Toutes collectivités confondues, 40 % des projets de rénovation scolaire sont financés par des subventions ou donations. Pour le bloc communal (communes et EPCI), cette proportion grimpe à 47 %. À l'inverse, seulement 21 % du bloc communal cite l'emprunt comme premier mode de financement.
Ce qui frappe davantage encore : les certificats d'économie d'énergie et autres instruments innovants sont pratiquement absents comme sources principales de financement. Ils sont « plutôt mobilisés pour compléter les plans de financement », selon le rapport.
En d'autres termes, les collectivités continuent de fonctionner selon un modèle où la subvention prime, l'autofinancement domine chez les grandes structures, et l'ingénierie financière innovante reste largement inexploitée.
Les trois freins structurels au tiers-investissement
1. La complexité perçue de la commande publique
Le tiers-investissement suppose un partenariat avec des investisseurs privés ou semi-publics. Cela implique une contractualisation sophistiquée, des cahiers des charges précis, et des cadres juridiques qui doivent satisfaire à la fois aux règles de la commande publique et aux attentes des investisseurs.
Or, 54 % des collectivités déclarent avoir du mal à identifier les bons dispositifs de financement et leurs critères d'éligibilité. Cette difficulté s'amplifie pour le bloc communal (56 %). Si les collectivités peinent déjà à naviguer dans l'écosystème des subventions classiques, on comprend aisément leur réticence face à un mécanisme financier réputé plus complexe.
2. L'absence de compétences internes en ingénierie financière
Deux tiers des collectivités reconnaissent manquer d'au moins une compétence clé pour mener leurs projets. Parmi ces lacunes, les compétences techniques arrivent en tête (33 % des réponses), mais les compétences financières figurent aussi en bonne place (28 %).
Plus révélateur encore : 50 % des collectivités citent la difficulté à faire les bons choix entre différents scénarios de rénovation comme l'une de leurs principales difficultés. Le tiers-investissement exige justement cette capacité à évaluer, comparer et décider entre plusieurs options de montage financier. Or, cette expertise fait souvent défaut en interne, et les collectivités hésitent à recourir à des bureaux d'études spécialisés par peur des surcoûts.
3. La culture de la subvention, un réflexe difficile à abandonner
Les collectivités ont construit leurs processus budgétaires et leurs calendriers autour l’habitude bien ancrée des appels à subventions : calendriers de publication, critères d'éligibilité, rapportages spécifiques. Le tiers-investissement demande une logique différente : la négociation avec des partenaires privés, la définition de métriques de performance, la garantie de économies d'énergie réelles.
Cela signifie aussi accepter une perte de contrôle apparent. Avec la subvention, le financeur public contrôle largement le projet. Avec le tiers-investissement, il y a un partage des risques : le prestataire s'engage sur un niveau de performance énergétique donné. C'est rassurant en théorie (les économies d'énergie financent le projet), mais cela demande de la confiance et une gouvernance partagée.
Source: Baromètre de la rénovation des écoles 2025. Direction de la publication : Edurénov programme de la Banque des Territoires et la SCET SEPTEMBRE 2025
Le parallèle révélateur du développement photovoltaïque en autoconsommation
Observons un cas très proche : l'équipement photovoltaïque des collèges, lycées et écoles en autoconsommation. Le modèle devrait être identique à celui du tiers-investissement appliqué à la rénovation énergétique. Un prestataire finance l'installation, l'école produit de l'électricité, le tiers-investisseur récupère son rendement sur une période définie, puis l'installation revient à l’acteur public.
Pourtant, le déploiement du photovoltaïque sur les bâtiments scolaires reste bien en deçà du potentiel. Même les AMI lancés pour des équipements en injection n’ont abouti qu’à un nombre très limité d’installations (par exemple l’AMI de 2022 pour équiper les collèges de l’a Métropole de Lyon) Pourquoi ? Pour les mêmes raisons : complexité perçue des montages financiers, manque de compétences en ingénierie au niveau local, méfiance envers un modèle où le contrôle n'est pas total dès le départ, et incapacité à intégrer une réelle innovation financière.
Le résultat : des gisements d'économies et de production énergétique qui restent largement inexploités, tant sur les rénovations thermiques que sur le photovoltaïque. Et il est inutile de rappeler que les deux se combinent parfaitement à l’aide du tiers-investissement.
De l'intention à l'action
Le baromètre EduRénov 2025-2026 révèle un paradoxe : les collectivités sont mobilisées et passées à l'action, mais elles restent prisonnières de modèles de financement conventionnels. Le tiers-investissement, qu'il s'agisse de rénovation thermique ou de photovoltaïque en autoconsommation, offre pourtant une réponse structurelle à l'un de leurs défis majeurs : financer l'ampleur de la transition énergétique sans écraser les budgets locaux.
Mais débloquer ce potentiel demande un effort collectif : simplifier les cadres juridiques, former les agents, documenter les bonnes pratiques, et reconnaître que l'innovation financière n'est pas une menace – c'est une opportunité de faire plus, mieux, et plus vite.
CE QU'IL FAUT RETENIR
Trois leviers émergent du baromètre et de l'analyse des blocages au tiers-financement d'installations solaires en autoconsommation sur les établissements scolaires.
1. Simplifier les processus. Les collectivités demandent plus de clarté sur les dispositifs disponibles et une réduction de la complexité administrative. Le tiers-investissement aurait beaucoup à gagner d'une meilleure documentation, de modèles contractuels pré-établis, et de guichets d'information.
2. Renforcer les compétences. Le conseil externe auprès de cabinets d’avocats (par exemple Adaltys ou De Gaulle Fleurance) est nécessaire. C'est là où l'accompagnement fait la différence.
3. Valoriser les retours d'expérience. Seuls 77 % des collectivités ayant réalisé des rénovations ont consulté les usagers sur les résultats. À l'inverse, 86 % de celles qui ont associé divers publics (élèves, parents, habitants) rapportent une satisfaction accrue. Pour le tiers-investissement, il faudrait une veille et une valorisation des quelques cas de réussite qui fournissent la preuve du modèle.